Les études scientifiques portant sur la psychologie de la créativité sont rarement grisantes. Ce serait un moindre mal si cela pouvait être contrebalancé par des conclusions simples et exploitables en l’état. Il y a, bien entendu, des exceptions à l’instar de “L’Illusion de la Falaise Créative” (“The Creative Cliff Illusion”), l’intitulé métaphorique d’une étude publiée en 2020.
Les expériences menées par les chercheurs (Brian LUCAS et Loran NORDGREN) désintègrent une croyance bien trop répandue, celle qui consiste à croire que les meilleures idées émergent logiquement au début d’un processus d’idéation, peu importe qu’il soit formel ou informel. Nous pensons, à tort, que la créativité suit une courbe similaire à celle de la productivité c’est-à-dire que l’optimum s’obtient au début de l’effort et que le rendement décroît rapidement.
Les recherches montrent que, lorsqu’on cherche des solutions à un problème créatif, les idées les plus créatives ne sont généralement pas générées en premier. Elles ont plutôt tendance à émerger au fil du temps, par exemple au cours d’une séance d’idéation ou même tout au long d’une carrière. Cette évolution temporelle s’explique notamment par les processus cognitifs qui sous-tendent la génération d’idées elle – même. Les nouvelles idées naissent de l’intégration et de la recombinaison des connaissances en mémoire de travail. Lors de la résolution d’un nouveau problème, les informations qui viennent à l’esprit en premier (c’est-à-dire les plus accessibles cognitivement) ont tendance à s’appuyer sur des associations cognitives courantes et évidentes, ce qui tend à générer des idées plus courantes, et moins créatives.

Une implication pratique de cette recherche est que les individus peuvent passer à côté de leurs propres idées créatives, car le déclin des croyances en la créativité les conduit à interrompre la génération d’idées alors qu’il en reste encore.
En fin de compte, s’il faillait assigner une courbe à l’efficience créative, la courbe en S semble être une excellente candidate.
Pratiquement, s’il y a quelque chose d’utile à faire en priorité, c’est de prendre le temps ou plutôt prendre les temps : temps d’idéation, temps de maturation, temps d’échauffement, temps de cadrage, temps d’échanges … et, surtout, ne pas baisser les bras trop vite ou déclarer forfait trop rapidement.
Cette étude confirme que le dormons dessus a toute sa raison d’être et que pour (espérer) dénicher la bonne idée, il faut commencer par en produire beaucoup.